Voilà le dialogue d’un récent samedi entre votre humble
serviteur et le compagnon de l’amie que j’aidais du mieux que je pouvais dans
ses travaux d’aménagement de gîte.
Faut dire - et pour ceux qui me connaissent un peu c’est
une évidence vite évidente – que je ne suis pas très doué pour le bricolage.
Mais en plus, ce jour-là comme je n’avais pas bien dû lire l’email d’ « invitation » à cette journée, je croyais que j’allais
participer à quelques séances de yoga.
Et donc je m’étais habillé pour la circonstance : soit avec des vêtements amples et relax
effectivement totalement inadaptés aux différents travaux qui me seront confiés,
à savoir, dans l’ordre : dans le grenier décrochage de néons et d’leurs
câblages, au rez-de-chaussée noircir un ancien et volumineux four avec une sorte de cirage pour finir – et
cela m’a littéralement achevé au propre comme au figuré - de ranger dans une
remise des bûches, lattes, petites branches d’arbre, poutres, etc. afin de
dégager de la place pour amener d’autres bois que j’aurai également le plaisir
de porter d’un endroit à un autre.
Alors même que dans un futur proche, ils
devront tous être ressortis afin d’être découpés à taille utile pour rentrer
dans les différents fours de la maison. Cela m’a donné un peu l’impression de
faire le boulot de Sisyphe, soit de faire quelque chose sans fin qui a aussi
peu de sens que d’utilité.
Sisyphe, selon le mythe grec, est condamné par les dieux
à pousser une pierre au sommet d’une montagne. Or une fois ce sommet atteint la
pierre roule jusqu’en bas et il lui faut recommencer l’opération.
Une soirée à la « Vigne philosophe » terminera
cette longue journée et nous nous donnons rendez-vous la semaine prochaine,
même heure même endroit.
Ce samedi donc me voici équipé : vieux jeans délavé
et déchiré, pull avec trous aux manches et (belle) chemise. Bin oui, les
autres, je les ai jetées.
Et c’est avec enthousiasme que je m’attelle aux travaux
du grenier.
Comme il a brulé, les poutres sont noires de noir, et il
m’est demandé dans un premier temps de faire disparaître les plus ou moins
grandes taches de couleur blanche sur les dites poutres. Ces dernières sont des
éclaboussures de peinture, survenues au moment où certains ont dû clacher avec
grande énergie les murs reconstruits, plutôt que d’y laisser glisser le pinceau
tout en douceur.
Muni de gants, je m’empare de l’engin idoine.
Pas terrible l’engin, je dois passer et repasser un
nombre de fois certains avant d’apercevoir comme l’ombre d’une évolution, sauf
quand plutôt que de mettre l’outil à plat sur le bois, je le mets
perpendiculaire. Là, l’évolution se voit presqu’à l’œil nu. Mais demande encore
de passer, passer et repasser pour qu’il n’y ait vraiment plus aucune trace visible
de ce foutu blanc.
Je m’en ouvre à mon amie qui transmet à son copain qui
arrive avec un outil plus performant. Mais, me dit-il : « il faut
veiller à bien positionner la feuille de ponçage quand elle est usée afin de
respecter les trous qui permettent à l’appareil de respirer ».
Opération
bien délicate pour le grand myope que je suis à vision plutôt monoculaire. Ce
qui signifie que les objets sont rarement là où je les situe. Je referai pourtant
cette manœuvre trois fois en la recommençant bien sûr un nombre incalculable de
fois pour fort bien la disposer…
Ha cette fois, cela va plus vite, mais qu’est-ce que
cela produit comme poussière ! Sur ces murs tout blancs, ce noir ne
produit pas d’ailleurs le meilleur des effets… Mais en soufflant fortement
dessus juste après mon passage sur les poutres, le tout s’envole à qui mieux
mieux et sali « joliment » ma chemise bleue.
De deux étages plus bas monte une voix : « Attention
aux agrafes qui sont plantées dans les poutres, cela pourrait déchirer
l’abrasif ».
Pas de souci a priori, je passe ma main dégantée, sent
les dites agrafes et avec un tournevis les enlève. Enfin enlever, lors de la
dite manœuvre, elles ont une fâcheuse tendance à se casser. D’où je descends au
rez-de-chaussée pour demander une autre pince.
Et j’en reçois une sacrément efficace, à une nuance
près : elle coupe plutôt que pincer. Du coup le morceau qui reste dans la
poutre est encore plus petit et encore plus dangereux pour la machine.
Une autre pince svp ? Celle-ci est tellement petite
qu’elle ne pince quasi pas mais, à force de ténacité agrémentée de gros soupirs,
j’arrive petit à petit à enlever ces diables de restes tout en décidant d’être pour
la suite plus adroit afin de ne pas casser les dites agrafes en les retirant. Je
progresse doc, je progresse.
Ceci dit, j’ai l’impression que cela n’avance toujours
pas très vite.
Après un repas frugal composé de tartines et de fromages
durs de la région que, à défaut de connaître, je goûte avec plus ou moins de
succès. Y en quand même de très spéciaux : fromage dit bleu, fromage à
base de carottes, fromages de chèvre (faut aimer) ; j’en passe et des
meilleures. Le tout agrémenté d’une soupe bien épaisse, tellement d’ailleurs
qu’il faudra l’allonger plusieurs fois pour qu’elle accepte enfin de tomber
moins brutalement dans mon stomac.
Après ce repas requinquant, il m’est apporté un appareil
de compétition.
Waow, ça arrache un max, produit des étincelles à fonds.
Même que cela commence à sentir le bois brûlé. Par contre niveau poussière, ça
commence à devenir par trop conséquent, d’autant plus que - comme déjà signalé mais
vous verrez que le rappel est loin d’être inutile - je ne vois pas super bien,
je m’approche de plus en plus dangereusement de l’engin. Mes lunettes
s’obscurcissent à vue d’œil et je sens de temps en temps comme des piques au
niveau de mes jambes et ventre. Je me dis que sa puissance doit être vachement
importante pour qu’elle envoie valser des copeaux de bois à si grande vitesse.
Je ralentis le rythme, essaye différentes manières de me
positionner, de positionner l’engin… rien n’y fait, je continue à recevoir
comme des piqûres. Même que cela commence à être douloureux. Bien, il est temps
de regarder d’un peu plus près ce qui est en train de se passer.
Et là, oh surprise, je découvre dans mon pantalon et ma
chemise des bouts de métal. Y en a un sacré paquet, partout, dans mes cheveux
aussi. Je comprends mieux pourquoi cela ne me faisait pas du bien. Mais d’où
elles viennent ces petites tiges ? Mais de la ponceuse pardi : il y a
quasi la moitié de la roue qui s’est dénudée. Elle est même carrément foutue.
Par ma façon de procéder, je l’ai détruite et me suis mis en danger. Je décide
donc de changer de travail, cela me paraît nettement plus prudent.
Et me revoilà à re-transbahuter du bois, mais cette fois
je ne suis pas seul, l’opération se
déroule du jardin - en pente très forte, un peu casse-gueule quoi – pour être remiser
dans un endroit plus large – porte et remise - que samedi passé. Mais comme ce
bois était celui qui retenait des ardoises murales qui viennent d’être enlevées,
il reste encore équipé par ci par là de gros clous et de certains morceaux
d’ardoise… pas facile facile à enlever tout ça. Faire et défaire, c’est
toujours travailler.
Néanmoins, à deux, le travail avance nettement plus vite :
l’une centralise sur le haut du terrain les différents morceaux en les jetant
les uns sur les autres, l’autre – c’est-à-dire je - les réduits en taille, les
jette dans une brouette et les transporte vaille que vaille jusqu’à l’intérieur
où il les ressort de la brouette pour les empiler. Voilà, le plus gros du
travail effectué.
Ceci dit, ça fatigue. Et ça fatigue même beaucoup. Je décide dès
lors de me reposer un peu. Je vais m’asseoir juste pour un instant. Comment un
homme assis alors qu’il y a tant et tant à faire ? Pas question.
Et de recevoir aussitôt un pinceau et une nouvelle
mission : repeindre à l’extérieur des morceaux de paroi. « OK, mais
je ne fais pas les bords sinon je vais en mettre partout. » Et malgré
tout, arrive ce qui devait arriver, je déborde avec de la peinture blanche sur
des poutres extérieures brunes.
Directement, je suis le bon conseil qui m’a été donné pour
le cas où, et passe avec une loque mouillé dessus. Ah zut, loin de faire disparaître
la marque, bien au contraire chacun de mes passages en provoque une extension. Et
là, ce n’est plus une simple tache, c’est carrément devenu une ligne. Heureusement,
un peintre professionnel pas loin a vu mon désarroi et vient discrètement passer
une couche de brun. Grâce à son geste, on ne voit plus rien de ma maladresse.
Par contre, pour la tache de peinture sur ma belle
chemise bleue, c’est à mon avis grandement foutu. Bin, ça y est, c’est
fait : j’ai maintenant aussi une chemise pour bricoler.
Ceci dit, pour moi, c’est le signal qu’il est grand
temps de m’arrêter, et cette fois c’est avec un bouquin que je vais m’asseoir
sur une chaise.
Mes amis de s’inquiéter de savoir si je suis fâché et me pose
la question. « Non, non, c’est juste que j’ai conscience de mes limites et
veut veiller à satisfaire mes propres besoins. »
Et de me lancer dans la
lecture de « Mange, prie, aime » de Elizabeth Gilbert : comme
quoi, encore et toujours l’Inde. Depuis mon séjour d’un mois l’an dernier à
pareil époque, ce pays ne me quitte décidément plus, même s'il faut bien reconnaître qu'il ne m'a pas fait franchement évolué en termes de "bricoleur de génie", quoique ...