Une soirée au Bozar
Du moins c’était ce qui était prévu ; jusqu’à ce que je
réussisse à 100 mètres de l’entrée du lieu à crever, non pas un mais deux pneus
de ma teuf-teuf.
Distrait, dans l’impatience d’y retrouver une amie, je
m’engage dans une allée réservée aux bus et taxis. Re – distrait j’y dévie
légèrement, et à près de l’allure affolante de 30km/heure je roule sur les
petites bornes en béton qui la délimite ; méchantes les dites bornes car
ce sont elles qui ont pas fait les choses à moitié : deux vous
dis-je !
A peine touchées voilà t’y pas que j’entends, à chaque fois
que ma roue avant droite effectue un tour complet, un sifflement hélas connu, bien
caractéristique : « bon j’ai crevé un pneu ; en ville faut le
faire. Je vais essayer de me traîner jusqu’à un parking, delà je file à
l’expo et m’occuperais de ça ensuite. »
Grand optimiste devant l’Eternel, la suite vous expliquera
comment en panne à 19h30, je me suis retrouvé chez moi – sans avoir vu ni mon amie ni l’expo à 1h45 du matin…
Qui dit nocturne, dit nombreux visiteurs et donc c’est déjà
la file devant le parking où le panneau lumineux claironne : complet. Pô
grave, je continue ma route ; euh jusqu’à ce qu’il ne me soit vraiment
plus possible d’avancer sans endommager plus avant ma voiture.
Dans le Boulevard
de l’Empereur dès la 1ère rue à ma droite dite de la Ruelle (ce qui fera plus
tard croire à un gars de Touring Secours que je suis effectivement dans une petite
rue difficile d’accès … ), je m’éloigne un peu du coin, met le hasard – les 4
clignotants – et vais constater « de visu » ce qu’il en est.
Ha pour être à plat, l’est bien à plat.
J’enlève ma veste, ouvre le coffre, saisi le cric et de quoi
desserrer les boulons ; quoique prendre un pneu à une main – j’ai
toujours mon bras dans une attelle- pô
évident, du tout du tout même ; et ce en plus sans se saloper. C’est là où
t’es content d’avoir mis des vêtements élégants. Bin oui, expo de sculptures de
Dali aux beaux-arts et rendez-vous avec amie : ceci explique cela.
Les boulons sont enlevés, y a plus qu’à soulever la voiture.
Et comme dira la seule personne venue me prêter main forte : voiture de
classe mais cric de « hum », ici est dit le mot de Cambronne.
Effectivement non seulement il bloque mais en plus la manivelle plie de plus en
plus jusqu’à se briser. Ok, là, plus le choix. Il y a plus qu’à appeler Touring
Secours.
Je fais le 1307 : les renseignements nationaux. Là
après de multiples sonneries, une voix humaine fatiguée te donne l’information
demandée et quand tu appuies sur le 1 pour composer le numéro, une autre voix –
enregistrée celle-là - te dit : « Il n’y a pas moyen de vous mettre
en contact avec un numéro qui commence par un 70 ».
Comme tu avais pas
noté le n° donné, tu recommences l’opération muni cette fois de quoi écrire et
d’un bout de papier; notons qu’il t’a fallu trouver l’un et l’autre : un
bic qui veut bien laisser couler de façon utile son encre et un support pour ce
que tu as trouvé sur quoi tu pourrais essayer d’écrire.
Puis bien muni du
numéro idoine tu le composes et tu tombes sur des messages enregistrés pour –
avant d’effectuer une sélection : pour gnagnagna taper 1, pour gnignigni
taper 2, etc. - te donne le coût par minute et autres fadaises dont tu n’as que
faire mais pendant ce temps tu as la chance de payer la communication, et d’entendre
toute cette série de chiffres pour effectuer une sélection que comme d’hab que
la tienne par rapport à ton besoin, elle est pas dedans.
Donc, tu recomposes le
numéro, ré – entends les messages inutiles puis te lance à l’eau en espérant
que – le message : « tous nos opérateurs sont momentanément occupés,
nous vous prions d’attendre quelques secondes » répété pendant 6 minutes montre
en main – laisse la place à un être humain et plus à cette boucle qui n’en
finit pas de passer et repasser. Comme disait Woody Allen « L’éternité
c’est long, surtout vers la fin ».
« TS bonjours, que puis-je pour votre
service ? »
« Je ne sais plus si je suis abonné ou pas. Si je vous
donne mon nom et numéro de plaque, pourriez-vous svp regarder ce qu’il en
est ? »
« Bien sûr » et de pianoter genre 9ème
symphonie inachevée, d’entendre « Je ne trouve rien, mais je peux quand
même vous envoyer un dépanneur, il vous en coûtera autant » : une
belle somme rondelette même que tu sais que cela va continuer à bien creuser
ton trou financier et faire virer ton compte encore un peu plus dans le rouge
vu que c’est à cette seconde que tu te rappelles pourquoi il avait rien
trouvé : tu avais renoncé à ton abonnement TS, justement pour faire des
économies.
Mais là, tu ne réfléchis plus et tu dis : « Oui,
merci »
« Il arrivera dans l’heure et vous téléphonera 10
minutes avant pour vous prévenir»
Et c’est comme ça que, sans prévenir, quelqu’un descend
d’une camionnette 47 minutes plus tard.
Il regarde la situation, fait la moue quand il voit l’état de ton cric, va
chercher de vrais outils et te change ta roue plus vite que son ombre. Et au
moment de payer, il te dit : « Mais vous avec un second pneu
crevé ».
Hop, il reprend tous tes outils et il enlève le second pneu. Oui,
il y a bien un trou, mal placé. « Je vais essayer de le réparer mais je ne
garantis rien »
Et il a recours à la bonne vielle rustine, vous savez celle
comme pour un vélo que quand on était petit, du genre qui colmatait plus ou
moins le trou mais en laissant filer de l’air par moments.
« Bon, si vous
ne montez pas sur une autoroute, cela devrait tenir jusque chez vous ; même
si demain matin il sera probablement dégonflé à nouveau » « C’est que
demain, je dois être à 8h20 à l’hôpital »
« Bon je vais tenter de
vous arranger ça ». Et c’est ainsi que le mieux devînt le pire :
cette fois le pneu siffle autant et aussi fort que des italiens quand ils
croisent una bella regazza. Plus moyen d’espérer faire le moindre mètre avec
ça. Les 3 rustines se bousculant l’une l’autre ont fini par agrandir le trou et
le rendre totalement irréparable.
« Bon, vous m’êtes sympathique. Je vais
demander si je peux vous dépanner. Mais pour ça, je dois avoir l’autorisation
de la centrale ». Miracle, cette dernière accepte malgré que le temps
moyen accordé pour effectuer le dépannage est déjà bien largement dépassé. Et,
de la camionnette descend en douceur et élégance un système qui permet de poser
2 roues de ta voiture en l’air et ainsi te tracter.
Mais au moment de la faire avancer, apparition de 2
soucis : le hasard (pour rappel l’usage des 4 clignotants en simultané) a
mis ma batterie à plat, même que d’ailleurs je m’en étais aperçu (mais à cet
instant précis oublié de le lui communiquer) vu que mon système d’alarme
c’était déclenché presque tout seul quand j’avais voulu mettre la
radio (la musique adoucit les mœurs);
bin oui : batterie à plat donne
une information similaire à qu’il y a quelqu’un qui veut me voler ma voiture –
mais en un tour de main : il en a des outils dans sa camionnette, le V6
ronronne même que ça plaît bien à l’oreille du dépanneur qui donne quelques
coups de gaz pour mieux encore et encore l’entendre rugir + l’audition d’un
nouveau bruit et, stupéfaction : le pneu de secours a été monté sur une
mauvaise jante. La roue est trop basse ; cela frotte. Pas question de
pouvoir rouler ainsi.
Donc tu re-démontes le tout pour essayer d’arranger le 1er
pneu crevé que tu remontes là oùsqu’il était : « faire et défaire,
c’est toujours travailler ». Et ce, pour finalement arriver au constat que
« Non, décidément, il n’y a rien à faire, va falloir appeler un
plateau »
Aussitôt dit, aussitôt fait. Il est passé 22h30. « Il devrait
arriver dans le quart d’heure »
30 minutes passent, puis 1 heure et là tu rappelles
TS : re – message etc. et puis un correspondant s’excuse mais te dit que
« La personne est en route depuis 22h05 et ne devrait donc pas tarder. Que
ton interlocuteur va lui téléphoner et que soit il est là dans les 10 minutes,
soit tu recevras un appel pour t’expliquer la raison de son retard. »
30 minutes à nouveau passent et toujours rien à l’horizon en
dehors du tas de mégots de cigarettes que tu es en train d’enfiler et qui
commence à ressembler à un petit mont, que si ça continue bientôt il va
avoir quelque chose de nouveau à visiter à Bruxelles, genre terril ; ce
qui serait quand même plus original ici qu’en Wallonie.
Re-coup de téléphone, re – messages, re – sélection et,
incroyable mais vrai je retombe sur Stéphane, le même interlocuteur que celui
de mon appel précédant. Et lui aussi, il te reconnaît et dit : « Bon
je vais me déplacer moi-même à la centrale et voir ce qui ne va pas, puis je
vous rappelle ».
Un temps certain plus tard, un appel à numéro privé, je
décroche et une autre voix me dit « Le dépanneur va arriver d’ici une
vingtaine de minutes, au pire une demi-heure »
« Vu le temps mis, il vient de Tombouctou votre gars,
cela fait plus d’1h30 que je l’attends. Moi, sur ce temps-là je vais à la
mer »
« Faut dire que vous êtes dans une ruelle et donc pas
facile d’accès »
« Vous voulez rire. Je suis au coin du Boulevard de
l’Empereur et d’une rue dite « La ruelle » ! A part les rues Loi
et Belliard, il y a pas plus grand à Bruxelles »
« Bon, je vais dire au chauffeur de mieux regarder son
GPS ».
C’est donc, largement passé minuit qu’un portugais haut en
couleur descend de son plateau. Dans l’entre-temps j’aurai eu la demande de
chemin d’une hollandaise pour le Manneken-Pis (c’est comme ça que j’ai
découvert que la direction était indiquée sous la plaque de la rue) et d’un
jeune homme pour la Place Rouppe avec le
nom de son hôtel illustrissimement inconnu.
Vu son accent anglais, m’a fallu un
certain temps pour comprendre le nom de la place, mais à l’aide du guide papier
dans ma voiture, j’ai trouvé et pu le remettre dans le droit chemin.
« Thank you so much. You’ve helped a brezilian » -
« Merci beaucoup, vous avez aidé un brésilien » « You’re probably
the reason why I’m waiting now for 5 ours » - « Vous êtes
probablement la raison pour laquelle cela fait 5 heures que j’attends. »
Le second dépanneur, lui aussi, il a un bel équipement et
même que si mes roues grincent un max et qu’il a fallu recourir à un chargeur – bin oui, à force de continuer à faire
fonctionner le hasard ma batterie voiture est retombée à plat- il arrive à faire monter ma voiture sur son
plateau. Y a plus qu’à l’attacher.
« Et où je vous la dépose ? »
« Avec votre prédécesseur, il avait été convenu telle
adresse près de la Tour & Taxi et puis qu’il me reconduirait chez
moi »
« A cet endroit, pas très prudent de laisser une
voiture toute une nuit, ce serait mieux de la garder au chaud chez nous »
« Non, je suis prêt à courir le risque ; sinon
demain comment je pourrais bien faire pour l’amener d’un endroit à un
autre ; d’autant plus que je ne pourrai m’en occuper de suite car j’ai
d’abords un rendez-vous pour des radio »
« Bon, OK, mais vous devez savoir que tous les
kilomètres que je roule en plus des dépannages, c’est pour ma pomme, c’est pas
payé »
Et c’est parti. Je dois d’ailleurs reconnaître que la
conversation va bon train. Mon dépanneur est un ancien conducteur de
poids-lourd. Il a visité de nombreux pays européens et est intarissable sur la
gentillesse ou non des conducteurs étrangers.
Sa formule préférée étant :
« Je ne suis pas raciste, mais l’impolitesse des etc. » Et tout en
s’exprimant il se faufile bien adroitement entre les multiples obstacles que
l’on peut rencontrer lorsqu’on conduit en Belgique : travaux, trous,
voitures en double file et consorts ; j’en passe et des meilleures.
Arrivés à Tour & Taxi, il nous faut trouver une place
pour déposer la voiture ; ce qui fût finalement vite imaginé – il y a
plus dans 2 têtes que dans 1 - pas tout à fait légal bien sûr mais à proximité
immédiate du garage tout en y permettant l’accès à d’autres véhicules que le
mien.
Il nous faudra s’y reprendre à deux fois car bien sûr, vu la largeur de
l’engin, il bloque le passage et que tout le monde ne réagit pas en prenant, d’un
grand coup d’accélérateur rageur, la route de l’autre côté de la bordure en
sens interdit. Y a encore des gens, même si tôt matin mais qu’est-ce qu’il y a
comme trafic encore à c’te heure et qui respectent plus ou moins le code de la
route.
C’est reparti, et quelques mètres plus loin : coup de
téléphone de la police pour un accident de la route ; « Monsieur, je
dois prendre car quand c’est la Police, nous avons une demi-heure pour
intervenir sinon nous avons des problèmes »
« Je vous en prie, à la limite, déposez-moi à un arrêt
de tram ».
« Ha Monsieur, comme il est minuit et demi passé, et
comme nous sommes en semaine - un jeudi
- vous n’avez plus de tram »
« Ok alors, je vous accompagne et vous me reconduirez
après. C’est où ? »
« Tout à fait de l’autre côté de la ville »
C’est à la lumière bleue des voitures de police que nous
savons que nous sommes arrivés : bien belles voitures à l’apparence toute
neuve qui ont fait brusquement et violemment connaissance : une Mini
blanche et un coupé Mercedes gris ; toutes deux rangées – Dieu sait
comment – le long du trottoir. 1er arrêt et 1ère mise en place du
plateau, rapidement à déplacer vu que le camion est sur les rails du tram et
qu’un fonctionnaire dans une voiture Stib passant par-là signale qu’ainsi le
tram qui va arriver dans le sens de la montée ne saura pas passer.
Ok, on
déplace ; le tram passe. Et au moment de se repositionner ; oh un
beau et très grand camion de pizza Transporteur International Routier qui vient
faire ses livraisons se gare juste là où il ne fallait pas.
S’ensuit une
discussion animée entre les 2 chauffeurs et non, le livreur ne bougera pas.
Faudra être une fois de plus créatif. Et la police, elle, elle s’occupe des
conducteurs de voiture. Elle applique à la lettre la devise des trois petits
singes : rien entendu, rein dit, rien vu ; ou en langage
administratif : circulez : il n’y a rien à voir ».
La Mercedes est sur le plateau avec une plaque française
dont le conducteur s’y remettra à 4 fois pour aller chercher des affaires dans
sa voiture et j’avoue qu’à chaque qu’il y monte et en descend, cela a l’air de
plus en plus périlleux.
La mini et son chauffeur embarqués, nous en aurons l’explication.
Ils étaient partis sur un constat à l’amiable et puis, nonobstant que la
Mercedes roulait déjà bien vite, pris d’un doute le chauffeur de la Mini avait
fait appel à la police qui les ayant fait gonfler dans le ballon s’est aperçue
que le français avait manifestement trop bu. Je confirme.
Comme effectivement est confirmée par son conducteur la mini
comme quasi neuve ; enfin était car d’après notre dépanneur qui en a vu
d’autre, là, elle est bonne pour la casse. « C’est un sinistre
total ».
Il plaide ma cause et demande poliment à cette personne si –
avant de le conduire à sa voiture de remplacement – il peut me déposer chez moi
vu le nombre d’heures que je suis avec lui.
L’autre acquiesce. Deux gentils et trois dépannages sur la
même nuit, il y a longtemps que le portugais n’avait plus été à pareille fête.
Et voilà comment, piéton, je suis arrivé devant chez moi à
1h45 du matin.
Pour la petite histoire, sachez qu’après mon rendez-vous en
clinique – rassurez-vous ma clavicule se porte mieux, je suis à mi-parcours, il
ne m’en reste plus que pour 1,5 mois. Je ne dois plus mettre mon attelle et je
n’ai pas besoin de kiné – c’est un mien cousin qui m’a conduit fort
obligeamment au garage pour y apprendre que : oui ils ont changé les 4
roues suite à mon appel téléphonique de ce matin mais non ils ont pas pu bouger
ma voiture et ne peuvent me la rendre car j’ai pas mis les clés dans la bonne
boite aux lettres.
C’était pas faute de l’avoir demandé hier soir si il (le
chauffeur) était sûr et certain que la boite postale était la bonne car elle ne
portait pas le même nom que le garage et que cela me semblait curieux.
« Le propriétaire ne sera pas là avant 1 heure. Heu
pour payer, c’est du cash. Il y a un distributeur là ; sinon à la Krediet
Bank. »
Ce sera à la KB, le bâtiment presque juste après celui des
employés où nous nous étions tout d’abords arrêtés au vu de l’enseigne. Mais
renseignements pris à l’intérieur, in het nederlands (en flamand) dans le
texte, « C’est au coin de la troisième rue à droite ». Là où le
personnel se révéla parfaitement bilingue : l’argent n’a ni odeur ni
régime linguistique, lui.
Bon, mon cousin et moi allons à Liège comme prévu et il me
déposera au retour au bout d’une ligne de métro pour que j’aille faire en 40
minutes la traversée de Bruxelles. C’est à peu près le temps qu’il me faudra en
voiture pour faire les 4 – 5 kilomètres qui me sépare de mon domicile.
Y a pas à dire quand ils ne sont pas en grève, qu’il n’a pas
d’attentat dans une station, que le matériel n’est pas en panne vu son manque
d’entretien, idem pour la voie ou quand cette dernière n’est pas encombrée par
une personne ou une voiture (si, si, ça c’est vu, à hauteur des cinémas dans le
haut de la ville) ; le métro : ça roule bien ; presqu’aussi bien
que ma jaguar quand elle a pas ses deux pneus crevés.