mercredi 7 juin 2017

Concours "Reine Elisabeth" -,Finale violoncelle



A la toute dernière minute, via une amie qui a eu une place à un tarif sacrifié via un ami, et qui ne peut s’y rentre pour cause de travail « en retard », me voici en route pour le dernier jour de ce concours prestigieux.

Fort de ma dernière expérience automobile pour aller aux« Bozart », j’ai changé d’itinéraire et suis, cette fois, fort heureusement, arrivé sans encombre. 

En plus, peu de file au Parking où il est amusant d’apercevoir tous ces gens, pour la plupart sur leur trente et un, s’épiant les uns les autres afin de voir s’ils sont vus. 

Cette dame d’un  certain âge que je croise à l’entrée du garage, elle à pied, moi dans ma Tata (Jaguar a  été racheté par les indiens), jette un coup furtif au conducteur.

Eh oui Madâme, ce n’est que moi !

Ceci dit l’inverse se produira quand, au même endroit, cette fois c’est môa qui suis à pied et croise une belle Ferrari grise. J’ai regardé. Non, ce n’était pas mon cousin au volant !

A l’entrée des Beaux-Arts, petit moment de chaleur, après le passage au « scanner » debout les bras écartés de face puis de dos, à la première réception on me dit d’aller à une seconde où là il y a deux guichets : un pour les VIP, un pour les journalistes. N’étant pas journaliste, je vais aux VIP.

J’me présente et demande ma place au nom de X de la fondation Y avec numéro de mon siège et lettre de l’allée. 

La dame me regarde de travers : « Mais vous êtes qui ? » Je redonne mon nom et lui signale que c’est sans importance puisque une place m’a été réservé par etc. 

Elle m’arrache mon bout de papier pour lire ce que je lui raconte. Pour ceux qui me connaissent, ils savent que j’ai une écriture de médecin sans pourtant en avoir suivi la formation. J’ai, en quelque sorte, gagné 9 ans. 

Elle est donc généralement totalement illisible même quand je fais des efforts. Et comme là, j’avais écrit pour moi... Autant dire qu’avoir ce papier dans les mains ne lui sert strictement à rien. Et de me déclarer : « cela ne me dit rien. Allez voir à côté », soit du côté des journalistes. 

Autrement dit, elle me renvoie donc purement et simplement bouler sans plus m’accorder aucun regard. Je n’avais sans doute pas dû être assez hautain dans mon expression ! Par chance, à côté, c’est une charmante dame qui m’écoute avec attention et me répond : « Ecoutez, la seule chose que je peux faire, c’est vous donner la dernière place pour journaliste que j’ai. Je ne sais pas si la vôtre est meilleure ou pas. Mais comme ça vous pouvez rentrer et vous rendre à votre place. Si elle est libre, prenez-là. Sinon, vous aurez toujours cette place ci ».

Je la remercie chaleureusement et me présente aux sbires qui scannent cette fois non plus les personnes mais les tickets. En le regardant, l’un d’eux me dit : « pour vous en bas à droite ».

En fait, j’ai une autre place : « orchestre, allée X numéro Y ».

Il m’arrache mon ticket des mains. Dis donc c’est une manie chez eux. Je serais quand même curieux de voir quelle type de formation on leur fait suivre pour faire leur boulot : « alors surtout, c’est très important pour vous faire respecter, ne soyez pas aimable, jamais au grand jamais, et n’oubliez pas de systématiquement arracher le papier des mains de votre interlocuteur. » 

Et celui-ci de clamer d’un ton très énervé : « Moi, Monsieur, je ne regarde que le ticket, et votre ticket vous envoie en bas à droite, c’est tout, allez » du genre « circulez, il n’y a rien à voir ». 

Je n’insiste pas et vais trouver une petite dame un peu plus loin qui distribue des dépliants. Elle est bien plus sympathique et m’indique le bon chemin. Il se fait que pour le début, c’est le même que celui qui m’avait été aboyé, mais le point d’arrivée est bien sûr différent. 

C’est d’ailleurs une excellente place avec un couloir à ma gauche et devant moi : donc je ne suis pas coincé entre deux personnes et j’ai de la place pour les jambes, euh une fois qu’il n’y aura plus tous ces gens qui circulent.

J’entends derrière moi un «Oh, comment ça va, dis ? » dans un claironnement de ton « zoutois » qui monte en crescendo d’une façon telle qu’il ne peut qu’être entendu. Après tout on est aux Beaux-Arts et on est venu pour entendre…

La sonnette sonne. C’est son rôle.

Elle provoque un mouvement de panique BCBG : chacun s’affichant à la recherche de son siège, l’air de rien ! Genre : on est des habitués. C’qui fait qu’on connaît par cœur l’emplacement de toutes les allées et la numérotation des places. 

Et pourtant, cela se déroule avec des hésitations manifestes, des regards qui commencent à désespérer et des « pourtant je suis sûr que c’était là nos places » pour revenir plus tard dans un « c’est bien ça, nous sommes ici »

Et le clairon zoutois de claironner à nouveau « Moi, je préfère celle-là » en laissant Madame, plantée, là, en une fois toute seule, un peu étonnée quand même. « J’ai un Monsieur trop grand devant ». J’avoue être tenté de me retourner pour voir si ce n’est pas plutôt lui qui serait trop petit …

Mon voisin a pris d’autorité mon accoudoir droit et pour applaudir l’entrée des musiciens tapote aussi discrètement que légèrement d’une main celle posée négligemment sur le programme de la soirée.

Applaudissement poli du public pour l’entrée du jury et nourri pour celle de la reine qui nous salue d’une main un peu comme le ferait un cycliste, soit d’un geste populaire, même s’il a dû être savamment étudié et répété.

Cela commence par le morceau imposé d’un compositeur contemporain japonais qui doit être quand même assez torturé pour écrire des trucs comme ça, soit des sons discordants que n’auraient pas dédaignés Hitchcock dans son film Psychose au moment de la fameuse scène de la douche. 

La tension dramatique d’ailleurs monte de plus en plus, et cela me devient de moins en moins auditivement supportable.

Mais tous les spectateurs – auditeurs ont l’air de se satisfaire de ces sons intello-japonisant-torturés au violoncelle auxquels se mélangent des notes cristallines bienvenues émanant d’un xylophone au milieu des cris de violons accompagnés de grattements de gong et de cuivres qui se lamentent.

Quand les musiciens s’arrêtent, le silence qui suit pendant plusieurs secondes avant les applaudissements est impressionnant… Et puis le jury se met à applaudir. Ce qui donne l’autorisation au public de le faire également. Pour s’y joindre, le chef d’orchestre tape dans sa main avec sa baguette. Cela doit quand même lui faire mal, mais il semble fort enthousiaste.

Et le morceau suivant de s’entamer.

Comme je suis parti en mode audition images cinéma, les titres défilent dans ma tête : Colombo en Espagne (oui je sais, c’est de la TV et il n’a jamais fait d’enquête en Espagne), Vertigo, L’homme qui en savait trop, Les hauts de hurle-vent version romantique, Les aventures de Michel Strogoff version russo-tzigane, M le maudit, La mort aux trousses, etc. Oui je sais, j’aime bien Hitch. Mais au fur et à mesure du temps qui passe, je finis par totalement me faire happer par le jeu éblouissant du violoncelliste et l’ampleur musicale qui se dégage de cet orchestre philharmonique bruxellois en exercice.

En fait – mais je ne le sais pas encore – j’ai eu la chance exceptionnelle et un plaisir rare : entendre en direct et in situ le futur gagnant.

Entracte pour une courte pause cigarette où je rencontre un collègue d’Epsilon et son épouse (ce qui est aussi inattendu que sympa), passage devant ces dames plus ou moins gênées de faire publiquement la file pour une petite ou grosse commission, un coca, et c’est reparti pour écouter la même chose différemment.

Derrière moi, cela parle bruyamment allemand, et les flamands dans les couloirs et ici sont bien présents, si pas en nombre, quoique, en tous cas en bruits et tenues, à défaut de savoir se tenir. 

Quelle mauvaise langue je suis ! Donnons donc quelques exemples : de la rangée devant émergent ostensiblement des bretelles de soutien-gorge rouge écarlate, de la rangée à ma gauche des baskets d’une telle blancheur qu’elles n’ont jamais dû voir un terrain de tennis de leur vie, le siège devant ces chaussures, un type est occupé avec son PC. Et d’aucuns ont enlevés leur veston et sont en bras de chemise…

Le brouhaha s’atténue en même temps que les lumières mais le clairon zoutois, encore lui, toujours le même, trouve encore le moyen de se faire entendre : « Môa, le chant et le piano, j’aime bien ».

De là, à faire comprendre qu’il s’emmerde, il n’y a qu’un pas. Et vu le prix des places, y en a qu’on les moyens pour s’embêter … entre mélomanes.

Cette deuxième heure, cette fois avec un violoncelliste russe (le premier était un français), je ne la vois pour ainsi dire pas passer (euh, mon voisin non plus, il s’est endormi et ronfle un peu comme il tape dans les mains, très discrètement) tellement je suis embarqué par ce musicien qui vit totalement sa musique. Tout son corps et son visage sont transportés. Même quand ce n’est pas à lui de jouer, il se dodeline sur son siège littéralement possédé par la musique. A la fin de sa prestation ce sera d’ailleurs une standing ovation largement méritée.

Et c’est la tête emplie de toute cette musique que je retourne au parking en saluant au passage deux musiciens de rue : l’un avec son piano à bretelles et l’autre avec son harmonica. Autres lieux, autres genres. 

Toutefois,  la musique est et restera toujours de la musique, qu’elle soit à la scène ou à la rue.

Ma soirée fut excellente. J’espère vous en avoir fait profiter quelque peu.

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